Mis à jour le 14/11/2024
Suite à l’annonce d’Apple concernant les nouveautés pour les AirPods Pro 2, qui incluent une fonctionnalité d’aide auditive de niveau clinique, un test auditif et une protection auditive renforcée, le paysage de la santé auditive semble en pleine mutation. Ces innovations, prévues pour la mise à jour d’iOS 18.1, pourraient sensibiliser davantage le public aux enjeux liés à l’audition et bousculer le secteur de l’audioprothèse.
Pour comprendre les implications de ces avancées, nous avons interviewé Ruben Krief, audioprothésiste diplômé d'état et responsable audiologie au sein de VivaSon, afin d’obtenir son avis sur ces développements et leur impact sur la profession.
Ce que l’on retire en 3 points clés :
RK (Ruben Krief) :
Elle est plutôt positive. C'est une avancée qu'on attendait, et cette arrivée d'Apple, dans un format qui ne cherche pas à concurrencer directement les appareils auditifs traditionnels, est intéressante. Ils n'ont pas lancé un appareil spécifiquement pour les malentendants, mais ont pris un produit existant en y ajoutant des innovations. Ces nouvelles fonctionnalités ajoutent de l’audiométrie, donc plutôt un outil d’évaluation que de correction auditive. Cela peut aider à déstigmatiser les problèmes d’audition en proposant un produit accessible, facile à utiliser, qui aide les gens à prendre conscience de leur audition sans qu’ils aient besoin d’une aide professionnelle tout de suite. Sur ce point-là, je vois cela comme une avancée positive.
RK : La première différence, c'est le format. C'est ce qui saute aux yeux lorsqu'on compare les produits Apple aux appareils auditifs classiques. Ce que nous commercialisons, d'un côté, et ce que font les OTC (Over-The-Counter) aux États-Unis, de l'autre, sont très différents. Les OTC, eux, imitent vraiment la forme d'un appareil auditif avec un RIC (écouteur déporté). Mais si l'on compare Apple et nos appareils auditifs, on est clairement sur des produits totalement différents. Apple propose ce qu'on appelle du hearable – un appareil qu'on porte dans l'oreille, avec plusieurs fonctionnalités, mais sans souci esthétique ou de discrétion. Il n'est pas conçu pour être confortable au point d'être porté pendant dix heures par jour. En revanche, les appareils auditifs sont spécialement travaillés pour offrir un confort d'utilisation quotidien, de 6h du matin jusqu'à 23h.
La deuxième différence, c'est l'autonomie. Les appareils auditifs peuvent durer une journée entière, voire plus. Les derniers modèles ont même une autonomie de 51 heures une fois chargés. Là où les AirPods classiques tiennent quatre à cinq heures avec une utilisation continue.
Le troisième point, c'est le service. L'appareil auditif est encadré par un professionnel de santé qui accompagne le patient tout au long de la durée de vie de l'appareil : vérifications, réglages, tests auditifs, entretien, etc. Avec les AirPods, une fois que vous les avez achetés, si vous retournez chez Apple, c'est pour une panne ou un service après-vente. Et là, il faut à nouveau sortir la carte bleue.
RK : Mon premier conseil serait de faire attention en cas de dissymétrie auditive. Si une oreille entend moins bien que l'autre, il est essentiel de consulter un spécialiste. En audioprothèse, un cas de surdité unilatérale nécessite toujours une prise en charge médicale, souvent accompagnée d'examens comme un scanner ou une IRM. Cela peut indiquer un problème sérieux.
Ensuite, si une personne constate une baisse d'audition soudaine, cela peut être un signe d'urgence. Une surdité brusque doit être traitée dans les 72 heures pour éviter des conséquences graves. Ignorer ce symptôme et se contenter des AirPods dans une telle situation pourrait entraîner une surdité définitive.
Si je devais me restreindre à deux conseils, ce serait certainement ceux-là.
Le vrai souci, selon moi, de se fier uniquement aux AirPods, c’est la durabilité. Quand tu fais un test avec un appareil professionnel, tu sais que l’intensité sonore est toujours la même car le matériel est calibré tous les ans. Mais avec une utilisation régulière des AirPods sur une longue période, le matériel peut se détériorer. Du coup, le son produit à 50 décibels aujourd’hui pourrait correspondre à 40 décibels il y a un an. Ce genre de dégradation pourrait fausser les résultats des tests. D’où l’importance de ne pas se fier uniquement à cela.
RK : Il est impératif d'établir un cadre légal qui protège les utilisateurs. Par exemple, il serait pertinent d'imposer à Apple une norme stipulant que dès qu'un utilisateur doit ajuster le volume au-delà d'un certain seuil pour corriger son audition, il doit être dirigé vers un professionnel de santé. Actuellement, Apple indique que ses produits conviennent pour des pertes auditives légères à modérées, mais un suivi médical est essentiel dès qu'un utilisateur éprouve de réelles difficultés.
Cependant je ne pense pas que cela risque de retarder l'accès aux soins pour les malentendants. Au contraire si l'on compare deux personnes du même âge, l'une qui ne se teste jamais et qui consulte après 15 ans de problèmes auditifs, et l'autre qui utilise ses AirPods et vient consulter après cinq ans parce qu'elle remarque que cela ne suffit plus, on aura eu une prise en charge dix ans plus tôt dans le deuxième cas.
RK : Absolument, il existe déjà des exemples, comme la collaboration entre Sony et Signia pour le CRE-C10 en OTC au États-Unis. Cependant, la réglementation en France complique ce type de partenariat avec de grands noms comme Apple. Cela dit, une approche hybride, où une enseigne comme la nôtre vendrait des produits comme les AirPods tout en offrant un suivi sur l’audition, pourrait s’envisager. Certains acteurs combinent vente d’appareils auditifs et produits audio tout en proposant un accompagnement, ce qui représente une belle opportunité. Des tests ont d’ailleurs démontré que l’efficacité des AirPods augmentait d’environ 36% après réglage par un audioprothésiste !
Pour autant, je pense que la collaboration directe avec des marques comme Apple n’en vaut pas vraiment la peine. Je préfère que les utilisateurs optent pour des solutions Apple et viennent ensuite nous consulter pour des conseils. Essayer de créer un partenariat pourrait sembler intéressant en théorie, mais je n’arrive pas à voir des solutions concrètes qui en découleraient pour le moment.
RK : Aujourd’hui, l'appareillage auditif ne peut se faire sans un service de qualité. Nos patients ont besoin d’un accompagnement constant pour l’entretien, les réglages et l’orientation vers d’autres professionnels de santé. La qualité du service est aussi importante que celle du matériel, car il apporte un soutien précieux aux patients. De plus, il y a un aspect psychologique et un rôle d'orientation vers d'autres professionnels de santé.
Un appareil de qualité sans suivi ne satisfera pas le patient. Notre approche, qui allie produits et services, est cruciale pour garantir le succès de nos solutions. Nous jouons souvent un rôle central dans la prise en charge des patients, parfois même en cas d'urgence. Nous contactons les hôpitaux ou les médecins pour obtenir des consultations rapides, car certaines situations peuvent être graves.
Notre profession est une combinaison de services paramédicaux et commerciaux, semblable à celle des opticiens. Pourtant, nous avons réussi à garder au cœur de notre activité l'importance de l'accompagnement. Nous offrons un service continu, avec des explications et un suivi qui sont essentiels à la réussite de l’appareil. Cette approche est rare. C'est crucial, et cela doit perdurer.
RK : Nous avons déjà partagé notre point de vue à ce sujet. L’arrivée d’Apple avec des solutions auditives accessibles s’aligne parfaitement avec notre mission de démocratiser l'appareillage auditif. Nous sommes réellement enthousiasmés par le fait qu’une entreprise d’une telle envergure s'engage dans ce secteur. Cela pourrait accroître la sensibilisation à la santé auditive et encourager davantage de personnes à se faire tester. Bien que nous ne prévoyons pas de vendre des AirPods, mentionner que les produits Apple peuvent aider au dépistage auditif pourrait inciter les gens à consulter pour des tests.
RK : Depuis la réforme 100 % santé, nous observons une prise en charge plus précoce des problèmes auditifs. Aujourd'hui, nous remarquons un changement vers un appareillage plus rapide, ce qui est essentiel. Autrefois, les gens attendaient souvent dix à quinze ans après l'apparition de leurs difficultés auditives pour consulter. L'avenir de l’audiologie devrait se concentrer sur l'équipement précoce des patients, tout comme on le fait avec les lunettes. Par exemple, j'ai porté mes premières lunettes à sept ans, et mon fils a déjà des lunettes à quatre ans et demi. On ne devrait pas attendre que les problèmes d’audition deviennent ingérables pour agir.
Cependant, des défis persistent, notamment la libéralisation des OTC, le manque de professionnels et la complexité réglementaire. Je reste optimiste malgré les défis. Les innovations et l'évolution des comportements des consommateurs offrent de réelles opportunités. L'arrivée d'Apple pourrait agir comme un catalyseur pour une meilleure prise de conscience des problèmes auditifs. Toutefois, il est vital de veiller à ce que ces nouvelles technologies ne remplacent pas les soins médicaux nécessaires. L’avenir dépendra de notre capacité à intégrer ces innovations tout en maintenant un haut niveau de service et d’accompagnement pour les utilisateurs.
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