Mis à jour le 28/12/2022
Selon une étude publiée dans le journal BMJ Global Health, entre 670 millions et 1,4 milliard de jeunes âgés de 12 à 34 ans dans le monde seraient concernés par des troubles auditifs. Les experts remettent en cause leurs pratiques d’écoute : casques, écouteurs, boîtes de nuit… Et parlent notamment de perte d’audition progressive et irréversible. Pour Jean-Luc Puel, président de l’association Journée nationale de l’audition (JNA), il est essentiel d’intervenir face à ces chiffres alarmants et de mieux communiquer sur les risques liés à la surexposition des sons forts.
Les résultats de l’étude BMJ Global Health [1] indiquent que 23,81% de jeunes se consacrent à des pratiques personnelles dites non sécurisées et 48,20% d’entre eux côtoient des lieux de divertissement bruyants, comme des concerts, festivals, boîtes de nuit ou autres évènements de ce type. Ces estimations de prévalence annoncent un risque de présenter une perte d’audition pour 1,35 milliard de jeunes à travers la planète, suite à des pratiques d’écoute dangereuses.
Ce fléau est invisible, et c’est là tout le risque pour les adolescents et jeunes adultes. Ces chiffres font échos à ceux que l’OMS avait publié le 3 mars dernier lors de la Journée Mondiale de l’Audition. La perte de l’audition est un problème de santé publique qui mérite une reconnaissance et des actions à l’échelle internationale. En 2015, l’OMS estimait déjà qu’1,1 milliard d’adolescents et de jeunes adultes avaient un risque de perte auditive en raison d’une exposition face à des niveaux sonores trop élevés.
Rappelons que L’OMS fournit des documents complets ainsi que des boîtes à outils dans le but d’aider au développement et à la mise en œuvre des politiques de santé publique. L’institution donne aujourd’hui le signal d’alarme afin de donner la priorité à une politique axée sur une écoute sécurisée.
Les résultats de l’étude BMJ Global Health sont publiés afin de faire de la prévention et d’alerter au maximum le grand public sur ces risques dont les jeunes n’ont pas toujours conscience. Pour Jean-Luc Puel, il s’agit d’une véritable bombe à retardement. En effet, abîmer ses oreilles pendant sa jeunesse et les fragiliser en les exposant à des sons trop forts, et surtout trop souvent, peut entraîner un vieillissement précoce de l’audition. Ainsi, les problèmes auditifs peuvent apparaître à partir de 40 ans et parfois même avant.
Ce risque dépend de l’intensité, de la durée et de la fréquence de l’exposition au bruit. Par exemple, sur la base d’un niveau maximal acceptable d'exposition au bruit de 80 dB pendant 8 heures par jour, soit 40 heures/semaine, le temps d’exposition raisonnable d’un son de 92 dB serait de 2,5 heures, d’un son de 98 dB de 38 minutes, et d’un son de 101 dB de 19 minutes.
Cependant, les scientifiques constatent que les utilisateurs d’« appareils d’écoute personnels » choisissent généralement des volumes élevés, 105 dB ou plus. Quant aux niveaux sonores moyens dans les lieux de divertissement, ceux-ci varient de 104 à 112 dB. Les auteurs de l’étude relèvent donc un dépassement des niveaux autorisés, même pendant de très courtes périodes. Ces résultats peu encourageants suggèrent que de nombreux jeunes seraient à risque de développer une perte auditive progressive et permanente en avançant dans l’âge.
Face à ce risque, l’étude cherche à « encourager les jeunes à écouter et à apprécier la musique en toute sécurité ». Le Dr. Lauren Dillard, principal auteur du rapport, a pour cela énuméré des comportements d’écoute plus sûrs à destination des jeunes.
Le président de la JNA explique que le vrai danger réside dans l’exposition prolongée au bruit, car celle-ci peut détruire les cellules sensorielles de l’audition, qui ne vont pas se régénérer. Elle peut également détruire les fibres du nerf auditif sans que l’on ne s’en aperçoive. Même une audiométrie ne le montre pas. « Nous avons un capital son comme nous avons un capital soleil » dit-il.
C’est pourquoi l’association milite depuis vingt-cinq ans, pour que les problèmes auditifs soient pris en compte par les pouvoirs publics. Pour Jean-Luc Puel, des tests de dépistage auditif à l’école primaire, collège et lycée devraient être réalisés. Malgré une première prise de conscience un peu générale, celle-ci n’est pas suffisante ni centralisée. L’objectif est qu’à terme, comme tous les autres paramètres de santé, l’audition fasse partie d’un monitoring.
Le président de la JNA répand également des recommandations pour les jeunes pour qui « tout est bon pour avoir du son dans les oreilles pendant des heures ». Il conseille d’abord de s’éloigner lorsqu’il y a des sons trop forts. Ensuite, de mettre des bouchons d’oreilles dans les concerts et boîtes de nuit, comme le recommande le Dr. Lauren Dillard. Certains bouchons d’oreilles sur-mesure peuvent laisser passer les fréquences de la musique et protéger vos oreilles.
La bonne nouvelle, c’est qu’il est aujourd’hui très facile de s’en procurer. Vous pouvez en trouver en pharmacie et dans de nombreux magasins. À l’entrée des festivals, certaines personnes en donnent ou en vendent également.
Enfin, les autres conseils sont « d’utiliser des casques actifs qui réduisent le bruit extérieur et permettent donc d’écouter la musique moins fort » et de mettre ses oreilles au repos lorsque l’on écoute de la musique pendant une longue durée (une à deux heures par exemple) avec des oreillettes ou un casque.
La prochaine Journée nationale de l’audition aura lieu le jeudi 9 mars 2023 avec pour thématique « Petites oreilles, grands risques » qui abordera ces sujets et « comment on est en train d’abîmer les oreilles des 0 - 10 ans ».
Jean-Luc Puel alerte notamment sur les bruits que les enfants subissent à l’école ou lors des activités extra-scolaires. Les cantines ou encore les parcs de jeux sont particulièrement violents pour les enfants, surtout lorsque l’on sait que leurs oreilles sont plus fragiles que celles des adolescents. « Car les enfants sont aussi exposés et vraiment négligés. Et je ne parle pas des parents qui leur mettent un casque sur les oreilles avec une tablette pour avoir la paix. Il y en a plus qu’on ne le pense. » dit-il.
Les scientifiques, tout comme le président Jean-Luc Puel et le Dr. Lauren Dillard, espèrent que les résultats de cette étude et son déploiement auprès du grand public auront un impact considérable sur les comportements d’écoute des jeunes dans le monde, mais aussi des parents sur leurs enfants. Sous-estimés, ces comportements peuvent être à l’origine de sérieux troubles auditifs, qui augmentent avec l’âge.
[1] Dillard LK, Arunda MO, Lopez-Perez L, et al Prevalence and global estimates of unsafe listening practices in adolescents and young adults: a systematic review and meta-analysis BMJ Global Health 2022;7:e010501.
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