Mis à jour le 10/08/2024
L’inserm vient de publier une étude d’ampleur inédite portant sur des données épidémiologiques sur la prévalence de la perte auditive en France [1]. Les chiffres montrent qu’un quart des adultes serait touché par une forme de déficience auditive, invalidante chez 4%. Les scientifiques indiquent par ailleurs que les appareils auditifs demeurent encore largement sous-utilisés.
La déficience auditive est un problème de santé publique dont souffrent de nombreux patients dans le monde. Plus précisément, on estime qu’en moyenne 1,5 milliard de personnes seraient concernées par ce problème. L’OMS suggère également que d’ici 2050, elles pourraient être de 2,5 milliards.
Pour rappel, une personne affectée par une "déficience auditive" à un seuil supérieur à 20 décibels (dB) de perte dans la meilleure oreille. Cette déficience est caractérisée d'invalidante quand la perte auditive est supérieure à 35 décibels (dB) dans la meilleure oreille.
Ce qui inquiète les spécialistes plus que tout, c’est que la déficience auditive est associée à une dégradation de la qualité de vie. Elle peut en effet conduire à l’isolement social et à d’autres problèmes de santé comme la dépression, le déclin cognitif ou encore la démence.
Jusqu’à présent, les données de prévalence et celles permettant de connaître le recours aux aides auditives étaient imprécises. Les données disponibles sont généralement dérivées d’études qui portent sur de petits échantillons de participants, ce qui est peu représentatif.
Une étude réalisée en France par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en collaboration avec l'Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP) et l’hôpital Foch, à Suresnes, montre pour la première fois que 25% des adultes sont touchés par une déficience auditive.
Le Dr Quentin Lisan s’étonne « C’est une personne sur quatre, c’est un chiffre impressionnant ». Néanmoins, la déficience auditive invalidante concernerait 4% des adultes, une perte moyenne de 35 dB au moins sur la meilleure oreille.
Ces données ont été publiées le 17 juin 2022 dans la revue Jama Open Network. Elles restent objectives et non déclaratives. Il s’agit cependant de chiffres inédits, car jamais une étude de cette ampleur n’avait encore été réalisée en France à ce sujet. La dernière estimation de prévalence date de 2008, avec des conclusions fondées sur des réponses autodéclarées.
Dr Quentin Lisan et Dr Jean-Philippe Empana, qui ont organisé l’étude, confient « C’est la première fois en France qu’une étude sur la prévalence de la déficience auditive et l’usage des appareils auditifs est menée sur un échantillon aussi large et représentatif de la population française adulte. Cela permet de dresser un état des lieux fiable et d’apporter des clés aux décideurs publics alors que des solutions efficaces (comme les appareils auditifs ou encore les implants cochléaires) existent pour prendre en charge ce problème de santé majeur ».
Pour réaliser l’étude, une équipe de recherche de l’Inserm, l’AP-HP, Université Paris Cité et l’hôpital Foch ont évalué la prévalence de la déficience auditive en France en faisant appel à 186 460 volontaires de la cohorte Constances, qui représente la population générale adulte. Leur surdité a été mesurée à partir de tests auditifs.
Constances est une grande cohorte épidémiologique française destinée à fournir des informations descriptives et étiologiques sur la santé. Les participants ont passé un examen de santé tous les quatre ans et ont rempli un questionnaire tous les ans. Les données de ces volontaires ont ensuite été transmises à l’Assurance maladie.
Les chercheurs ont tenté de comprendre les facteurs associés à la déficience auditive. Les personnes âgées, les hommes, les individus avec un indice de masse corporelle (IMC) élevé, des antécédents de dépression, des facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, du diabète ou qui ont été exposés à des nuisances sonores au travail auraient plus de probabilités de souffrir d’une déficience auditive.
Toutefois, sans grande surprise, la variable associée qui affiche le lien le plus fort avec une perte auditive est l’âge. En effet, chaque année de vie supplémentaire augmenterait de 10% le risque de perte auditive.
À l’inverse, les personnes qui vivent seules, habitent une zone urbaine et qui ont un revenu ou un niveau d’éducation plus élevé, présentent des probabilités moins importantes d’avoir des troubles auditifs.
Désormais, les chercheurs ont une meilleure connaissance de la prévalence de la déficience auditive et le profil des personnes concernées, ce qui permet de mieux cibler les patients qui présentent des risques. Ainsi, les mesures de prévention et le dépistage améliorent leur prise en charge globale.
Il a été démontré que le recours aux appareils auditifs était peu employé chez les personnes âgées. Ce sont pourtant celles qui sont les plus concernées par une déficience auditive invalidante. Les hommes, les fumeurs et les personnes ayant un IMC élevé ont également un faible recours aux solutions auditives.
Pour encourager les personnes souffrant de déficience auditive à porter des appareils auditifs, la France a adopté une mesure qui permet le remboursement de ces derniers par la Sécurité sociale en collaboration avec les groupements privés mutualistes (cela n’était pas encore le cas lorsque l’étude a été réalisée) : le 100% Santé.
Dr Quentin Lisan rapporte « Seulement un tiers des quelques 4% de personnes atteintes d’une perte auditive de plus de 35 dB est appareillé ». C’est le deuxième chiffre clé de l’étude. Néanmoins, les données ont été recueillies entre 2012 et 2019, avant l’entrée en vigueur du 100% Santé.
Pour le professeur Jean-Luc Puel, directeur de la recherche à l’Inserm, spécialiste de l’audition et professeur de neurosciences à l’université de Montpellier, « il faudrait intégrer des tests auditifs dans la santé en général, et pas uniquement quand les personnes présentent une baisse de leur audition ».
« On s’occupe de la vue, mais pas de l’audition » reprend-il. Il faudrait également penser à réaliser un test auditif lorsque des patients souffrent de diabète, d'hypertension, d’IMC importante ou encore d’apnée du sommeil.
Cette réforme a engendré une augmentation significative du taux d’adoption. Cependant, il serait intéressant que les recherches à venir soient portées sur l’efficacité de ce dispositif, en répétant les questionnaires sur les audioprothèses.
Au moment de l’étude, seuls 37% des patients touchés par une déficience auditive invalidante portaient un appareillage, ce qui est très faible.
L’appareillage reste à ce jour la meilleure solution pour les patients qui présentent une perte auditive. De nombreuses études, dont une de l’Inserm, ont été établies notamment chez les sujets âgés. Celles-ci ont démontré que les aides auditives ont bien un effet protecteur contre le risque d’isolement, de dépression et de démence.
D’autres recherches aux Etats-Unis ont également suggéré que les personnes âgées malentendantes qui n’utilisent pas d’appareils sont plus susceptibles de développer la maladie d’Alzheimer que celles qui disposent d’une audition normale. D’où l’intérêt de se faire dépister ou d’en parler avec un médecin en cas de suspicion de perte auditive.
Si cette étude sur la perte auditive est la plus qualitative aujourd’hui, il reste cependant difficile de prendre toute la mesure du problème. En effet, les données disponibles en ce qui concerne la prévalence exacte de la déficience auditive, les caractéristiques des individus concernés et le recours à des prothèses auditives sont encore parcellaires.
[1] Lisan Q, Goldberg M, Lahlou G, et al. Prevalence of Hearing Loss and Hearing Aid Use Among Adults in France in the CONSTANCES Study. JAMA Netw Open. 2022;5(6):e2217633. doi:10.1001/jamanetworkopen.2022.17633
INSERM, En France, un adulte sur quatre serait concerné par une forme de déficience auditive, en ligne, consulté le 08/07/2022
Audiologie Demain, Un Français sur quatre souffre de perte auditive, en ligne, consulté le 08/07/2022
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